Extrait du livre blanc « L’accès à l’information et aux Réseaux Sociaux rend-il plus innovant.e ? »
Texte de Didier Le Gorrec
Sortir de sa zone de confort digitale
Sincèrement, je ne pense pas que l’accès aux réseaux sociaux rende de facto un individu plus tourné vers l’innovation que ses semblables. L’essentiel est de savoir quelle exploitation il en fait. C’est comme tout le reste, dans la vie, si je puis me permettre cette généralité. Vous êtes heureux d’habiter Paris parce que la ville regorge de musées, mais si vous n’y allez jamais, vous n’en tirez aucun bénéfice. Vous vous enthousiasmez que Londres ne soit qu’à 2 heures 30 de la gare du Nord, mais si vous ne prenez jamais l’Eurostar, à quoi bon ? Tout est une question de choix, de sens que l’on veut mettre dans son expérience des réseaux sociaux.
Ce qui est certain, c’est que l’information abondante est devenue une donnée contextuelle. Loin de créer ipso facto les conditions de l’innovation, la surcharge informationnelle entraîne au contraire un déficit d’attention et de créativité. Je ne peux que citer ici le fameux hikikomori, cette pathologie identifiée par les Japonais et qui se manifeste par l’isolement total de l’adolescent, qui ne connaît plus que son écran. L’une des formes de ce trouble (le « hikikomori du savoir ») est un trou noir cognitif dans lequel la personne s’engouffre en devenant hyper-méga spécialisée dans son domaine de passion. Bref, en se fermant à tout le reste.
À travers cet exemple, certes extrême, je veux juste rappeler que « surcharge informationnelle » et « innovation » sont bien souvent en antonymie. Or le socionaute peut facilement être victime de l’infobésité. Je considère qu’il est plutôt intéressant de revenir aux fondamentaux de l’innovation. Qu’est-ce qu’innover sinon sortir de sa zone de confort ? La régénérescence est à ce prix. On innove parce qu’on ouvre ses chakras sociaux et qu’on étend ses antennes à d’autres spécialités que la sienne. On innove parce qu’on va prendre l’oxygène ailleurs. Et que l’on sort d’un certain cadre : mots formatés, concepts dominants, etc. Pour le coup, les réseaux sociaux ont vraiment un rôle à jouer. Et particulier Twitter, si l’on veut piloter différemment sa veille et développer une démarche d’abonnements très ouverte.
Personnellement, moi qui travaille beaucoup autour des mots, en particulier pour élaborer des stratégies éditoriales, je m’attache à voir comment certains créatifs — dans d’autres domaines que le mien — assurent le cheminement de leur pensée et présentent le triptyque attentes – concept marketing – bénéfices utilisateurs. Je suis en particulier un inconditionnel du parler de certains architectes ou urbanistes (pas tous), dont la richesse sémantique est inspirante ! Connectez-vous par exemple sur le site de présentation de projets Archiliste, au blog de l’urbaniste Céline Guyot (qui ose évoquer des « contradictions acceptées comme chemin vers la pertinence ») ou encore à certains comptes Twitter d’artistes de talent comme celui de l’inclassable Jacques Clayssen (@klioutchov). Ah oui, j’oubliais, la prose unique de l’urbaniste Paul Ardenne, qui relayait récemment sur son blog un de ses articles de la revue Archistorm sous le titre « Etre ou être biscornu, le déraillement architectural ». Pour quelqu’un comme moi qui élabore les éléments de langage des entreprises, je vous assure que ces morceaux de lyrisme captés sur les blogs et les réseaux çà et là sont inspirants tant ils se situent à des années-lumière du corpus expressif de la communication corporate. Ils contribuent à rafraîchir ma propre boîte à outils. Si les médias sociaux favorisent l’innovation, c’est comme cela que cela se traduit, en tout cas pour moi.
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