Extrait du livre blanc « L’accès à l’information et aux Réseaux Sociaux rend-il plus innovant.e ? »
Texte de Coryne Nicq
Repérer les signaux faibles pour décentrer son regard, faire changer et avancer le monde
Innover c’est créer préalablement les conditions favorables : la reliance(1) en tête.
Dans le précédent livre blanc(2) j’abordais déjà cette question sous le titre « Un #RegardOblique sur les réseaux sociaux » et je mettais alors le focus sur à la fois la disposition d’esprit nécessaire et l’état de faire avec et sur les réseaux sociaux. Assemblées, ces deux facultés participent très clairement de l’acte d’innover. Déjà, j’affirmais que les réseaux sociaux, et principalement Twitter, sont des accélérateurs de lien, donc de connaissance. Qu’ils permettent d’explorer, de rencontrer, de découvrir, de partager, d’échanger, de confronter, d’apprendre, de s’apprendre mutuellement et de grandir ensemble. Qu’ils apportent donc du sens et une finalité au service de l’action. L’aventure humaine née dans un simple DM avec les membres des #612Rencontres(2) – qui, pour beaucoup, ne se connaissaient pas IRL – est l’exemple vécu qui témoigne de la réalité de Twitter à devenir ce lieu propice aux échanges. Des relations permanentes y sont nées, fondées sur le partage de l’information, le soutien, l’entraide. Où tout y est plus facile, plus fluide, plus évident. Où les conventions qui dominent sont celles de la bienveillance et de l’altérité. Nous sommes près de 50 à pouvoir démontrer les capacités à innover dans ce cadre qui ont émergé et qui pour certaines se sont pleinement réalisées.
Curiosité, sérendipité, ouverture pour détecter les signaux faibles
Reprenons. Depuis bientôt 30 ans, grâce à l’idée originale de Tim Berners-Lee, le web – conçu et développé pour que des scientifiques travaillant dans les universités et les instituts du monde entier puissent s’échanger des informations instantanément – est devenu à l’usage la plus grosse plateforme apprenante qui concurrence toutes les bibliothèques réunies du monde. Chacun.e peut venir à toute heure et en toute liberté assouvir sa soif de connaissances. Mais aussi et surtout chacun.e peut y être en capacité d’élargir son champ des possibles, de confronter sa propre réflexion, de faire un pas de côté. Non la curiosité n’est plus un vilain défaut ! La curation est devenue une pratique courante, fédératrice d’énergies, au sens quantique du terme(3). Et parmi les réseaux sociaux Twitter et Linkedin ont enrichi cette formidable masse d’informations en y ajoutant la dimension humaine essentielle de la reliance, si bien représentée par Salvatore Parise, Eoin Whelan et Steve Todd dans leur schéma et article paru dans MITSloan Management Review(4) en 2015. De fait, les chercheur.e.s et connecteur.e.s d’idées évoluent comme des poissons dans le grand bain de l’information disponible, sur-exposée par les réseaux sociaux. Ceux-ci leur donnent l’opportunité d’aller nager plus loin, d’explorer d’autres océans, de ressentir d’autres émotions. Outre l’envie, l’appétence et la curiosité, ils démontrent tout le poids positif de la connexion dans la recherche d’idées disruptives.
Reliance et signaux faibles ne sont rien sans être traduits et projetés dans la réalité
Parce qu’innover, ce peut être créer ou inventer mais aussi faire différemment. Transformer. Disrupter! Encore faut-il être en capacité de remonter à la source de l’information vraie et juste pour faire bouger les lignes de sa propre réflexion. De tenter de limiter les biais(5) pour aller chercher l’information derrière l’information. Et de savoir la traduire, la mettre en perspective. J’en veux pour preuve l’exemple d’une innovation d’usage majeure dans l’univers de la montagne française à laquelle j’ai eu plaisir à contribuer avec la production d’une étude réalisée début 2016. A l’origine de la réflexion, une intuition forte après la lecture d’une brève (l’annonce d’un media créé par un acteur du secteur que je sentais ne pas vouloir en rester là et qui avait un réel objectif de conquête de marché). Cette information, couplée à ma connaissance de l’univers précité, supposait à mes yeux l’urgence de réfléchir et proposer une solution alternative pour s’organiser face à lui. Chose faite à ce jour, avec un positionnement engageant les parties prenantes et l’outil technologique qui permet de le faire.
De l’intérêt des intelligences multiples pour explorer l’information et la mettre au service de l’innovation sociétale.
Le champ ouvert par ce que l’on appelle Intelligence Artificielle, ou comme Joël de Rosnay le dit si justement Intelligence Auxiliaire, les biais que les algorithmes ou notre propre cerveau nous imposent(5), les automatismes que les robots ou celles et ceux qui les imaginent voudraient nous voir adopter, sont à observer et à mesurer à l’aune de notre intelligence humaine. Oui, on peut choisir de se servir de ces intelligences augmentées, plutôt que d’être asservi.e.s, on peut aussi décider en conscience de faire jouer pour innover son intelligence humaine, faite de discernement et d’émotions, d’intuition et de reliance. Ce sont ces capacités et ces comportements qui favorisent clairement l’innovation et permettent de disrupter des modèles établis depuis longtemps, en y apportant la part d’humanité qu’il convient(6). Le succès de #i4Emploi en témoigne. L’initiative collective plus récente d’#AdnCitoyens aussi. L’enjeu de maintenant est bien ce que nous ferons, nous humains, de l’intelligence augmentée pour que l’innovation fasse utilement changer le monde et lui redonne toute son humanité.
Puisque c’est la pensée qui crée la réalité du monde, l’information en est une source. Explorée et conjuguée à la curiosité et à une responsabilité individuelle, l’accès à l’information avec les réseaux sociaux permet d’oser, de découvrir, d’avancer, de faciliter et concrétiser la volonté d’innovation. Et l’innovation sociétale participe largement de cet enjeu pour un monde plus humain et plus responsable.
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1 Le concept a été proposé à l’origine en 1963 par Roger Clausse pour indiquer un « besoin psychosocial d’information, de reliance par rapport à l’isolement ». Il a été repris et réélaboré à la fin des années 1970 par Marcel Bolle de Bal, à partir d’une sociologie des media. A la notion de connexions, la reliance va ajouter le sens, la finalité, l’insertion dans un système.
2 Alban Jarry – 612 rencontres sur les réseaux sociaux – 09/2016.
3 La circulation des énergies individuelles permet leur addition. En se combinant elles alimentent un faisceau positif qui permet de faire émerger les idées et plus tard les rend réalisables.
4 repéré d’ailleurs à l’époque quasi en simultané avec Pierre Hausherr un membre #612R que j’ai fini par rencontrer en IRL seulement un an après.
5 cf contribution de Jérôme Jubelin dans ce livre blanc.
6 http://bit.ly/changementhumain : à lire ce texte essentiel sur le changement écrit par mon amie @CelineSchill : « Parce que les médias sociaux opèrent précisément au niveau profond de l’information / la relation / l’identité, ce sont des superpouvoirs. Ils permettent l’amplification des réseaux dont les systèmes vivants ont besoin pour prospérer. Dommage pour ceux qui ne comprennent pas encore, ou ne veulent pas comprendre, les réseaux sociaux ».
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Autres portraits:
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Livre Blanc:
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