Le nouveau BDM (catalogue encycolopdique de la bande dessinée) vient de paraitre. Une nouvelle fois, j’ai eu la chance d’en écrire l’introduction sur le thème cette fois des éditions de luxe :

Le marché de la collection est vivant !

Collectionner des bandes dessinées est complexe. Comme pour tout marché, il faut des années avant de s’y repérer correctement et nul ne peut s’imaginer être spécialiste d’un domaine avant d’y avoir acquis une longue expérience et observé les us et coutumes. Dans son Wimbledon Green, Seth a remarquablement montré la vie du « plus grand collectionneur de comics du monde » et au travers de ses dessins Yves Chaland a représenté, à de nombreuses reprises, cette course perpétuelle pour trouver LA pièce qui complète idéalement une collection et les sentiments qui envahissent un collectionneur au milieu de sa bibliothèque. Doit-elle se transformer en une chasse gardée ? Doit-elle se partager ? Comment peut-elle s’enrichir ? Chaque collectionneur doit trouver sa propre réponse à ces énigmes.

Le poids de l’Histoire

Alors, que d’un premier abord, le chemin de la collection de bandes dessinées semble très simple avec une voie toute tracé vers l’achat d’albums de référence comme les premières éditions de Tintin, Gaston Lagaffe, Blake et Mortimer et tant d’autres, en réalité les options s’avèrent plus compliquées et multiples. La bande dessinée offre une incroyable diversité de choix possibles à ses collectionneurs comme l’illustre ce nouveau BDM. Parler d’un collectionneur « type » devient vite impossible face à la multitude des profils croisés dans cet univers aux trésors infinis. Existe-il une collection idéale ? Cela semble peu probable. Chacun doit se laisser guider au fil de ses découvertes pour constituer sa propre vision de la bedetheque parfaite et explorer le continent vierge qui s’ouvre devant lui. Chacun arpente alors des lieux divers pour y découvrir les albums qui le font rêver.

Une question de génération ? Un problème économique ?

De multiples raisons peuvent expliquer l’orientation prise pour construire une collection : les goûts du collectionneur pour tel ou tel style graphique, la passion pour une série ou un auteur, la volonté de posséder telles ou telles pièces historiques, le choix de collectionner de l’ancien ou du récent, … Ainsi, la bande dessinée offre tant de périodes de références, tant d’auteurs aux styles marqués, tant d’objet hors du commun, … qu’elle fait le bonheur de tous ses amateurs qu’ils soient âgés de 7 ou de 77 ans. Au fil du temps, chacun affine ses envies et son profil de collectionneur. Pourtant, au-delà de tous ces points qui relèvent souvent d’un raisonnement subjectif et personnel, un aspect purement économique peut trancher l’orientation ! Souvent, le collectionneur doit revenir aux fondamentaux de ses possibilités et adapter ses choix à sa situation financière, ce qui ne l’empêchera pas de collectionner des pièces fabuleuses. En fonction de son âge, et surtout de ses moyens, sa collection peut prendre un angle fort différent de ses envies. Acheter une bande dessinée de plus de 500 ou 1 000 euros relève souvent du rêve voire du mythe. Pour beaucoup, il faudra de longues années d’économies pour avoir la possibilité d’ajouter des pièces hors normes budgétairement dans une collection. Pour beaucoup, il faut donc sortir du cadre des envies initiales.

S’adapter au marché ?

De nombreux collectionneurs actuels ont découvert les mécanismes de la collection de bandes dessinées alors que le marché de était déjà relativement haut, et cher, pour les anciennes pièces les plus recherchées. Traditionnellement, le premier lieu d’achat de bandes dessinées est localisé dans le réseau des librairies spécialisées. Or, depuis longtemps, ces pièces incroyables n’y trouvent quasiment plus place et ont basculé dans les salles des ventes. Dans ces espaces, les montants atteints donnent parfois le vertige et peuvent dépasser allègrement les 5 ou 10 000 euros pour les pièces les plus rares et anciennes ! Il faut alors trouver d’autres idées pour acheter des albums hors normes.
Généralement amateur de beaux livres, le collectionneur peut envisager de trouver une nouvelle voie moins escarpée vers la quête de son Graal. Il peut regarder ces albums, qui valorisent souvent le trait des dessinateurs, et découvrir que dans certains rayons des librairies l’attendent des tirages spéciaux qui raviront ses envies de collectionner des pièces à peu d’exemplaires. Le marché des tirages de têtes (ou plus souvent de luxe) a ainsi trouvé un public qu’il a conquis depuis des années.

Trouver la perle rare

Face à une offre toujours plus faible, et une demande qui n’a cessé d’être présente, les collectionneurs de tirages de têtes ont du s’armer de diverses techniques pour parvenir à être certains de pouvoir acquérir les pièces les plus convoitées. Ce type de collection entraîne vers le côté obscure de l’achat des albums avec l’obligation d’être inscrit sur des listes de réservations de longs mois à l’avance. Imaginez … pour certains tirages, la demande est telle qu’une fois l’acquisition effectuée, le prix de l’album peut être démultiplié quelques heures plus tard sur internet ou quelques jours après en salles des ventes ! Dans le BDM précédent, nous avions parlé du cas du Cimetière des Eléphants d’Yves Chaland édité par Laurent Hennebelle. Depuis 2 ans, le phénomène perdure à intervalles réguliers. 2016 a été marquée par le tirage de « La femme Piège » de Bilal qui, plus qu’un album, s’est transformé en œuvre d’art avec les rehauts manuels de l’auteur. Sa cote a rapidement atteint des sommets sur le marché secondaire !

Différentes époques de production

La plus grosse partie du marché des tirages de têtes est plutôt récente (une trentaine d’année) avec un début de l’âge d’or qui se situe dans les années 80 quand le nombre d’albums concernés par ce type de tirages a commencé à devenir beaucoup plus important.
La première phase est marquée par des albums produits directement par les éditeurs. Les numérotations étaient assez importantes et pouvaient monter régulièrement à plus de 1 000 exemplaires. De la collection Trait pour Trait de Glénat, en passant par les tirages spéciaux des Humanoïdes Associés, nombreux furent ceux qui réalisèrent ce type de tirage. Un album de cette époque se distingue : « Le Testament de Godefroid de Bouillon » de Chaland paru en 1987 chez Magic Strip. Complété par un 2eme volume intitulé le « rapport de la police Royale de Bouillon », il intègre tellement de suppléments, dont une plume d’Oie, qu’il reste à ce jour unique. A l’opposé, déjà à l’époque, un marché de niche vit le jour. « Le secret de l’Espadon » publié les éditions Art du Buck pulvérise ainsi à chaque vente des records surtout dans sa version bleue limitée à 26 exemplaires.
Une deuxième phase est marquée par l’arrivée des tirages de librairies et de maisons d’éditions spécialisées. Cette période s’est accompagnée de la limitation progressive du nombre d’exemplaires produits (plutôt entre 250 et 1000 exemplaires). La librairie Forbidden Zone reste dans les mémoires avec la réalisation en 1995 du tirage au pompon de Pluvior 627, le deuxième album de la série la Nef des Fous. Limité à 250 exemplaires, cette édition est quasiment introuvable sur le marché de la collection depuis de nombreuses années. Folle Image ou Boulevard des Bulles ont marqué aussi cette nouvelle génération par des productions de plus en plus fréquentes et abondantes. Elles provoqueront une banalisation de ces albums et une quasi disparition de cette part du marché puis plus tard la disparition de ces libraires.
Depuis le début des années 2010, le marché a connu un nouveau virage avec d’un côté une limitation drastique des parutions de tirages des éditeurs spécialisés corrélée à une baisse du nombre d’exemplaires de chaque album, et le retour de certains grandes éditeurs pour produire directement ce type d’albums. Aux côtés des BDMust, Khani, Bruno Graff ou Golden Creek … Dupuis ou Dargaud sont ainsi revenus directement sur ce segment pour leurs principales séries comme Spirou ou Blake et Mortimer. Ce marché est marqué également par l’apparition de micro-tirages en dessous de 100 exemplaires (et parfois à moins de 10 exemplaires) chez certaines petites maisons d’éditions et de prix de ventes de plus en plus importants. Il n’est ainsi plus rare que des éditeurs proposent des albums au-dessus de 200 euros voire parfois de 500 ! Pour le moment, les acheteurs ont l’air de suivre le mouvement dès lors que ces pièces sont accompagnées d’éléments complémentaires qui en justifient le prix.

Comment connaitre les cotes ?

Sur le marché secondaire, il peut être extrêmement difficile d’acquérir certains tirages de têtes et compliqué de connaitre le juste prix de ces albums. En effet, comment connaitre précisément la cote d’un ouvrage publié à peu d’exemplaires et qui n’a pas fait l’objet de transactions depuis des années ? Comment savoir combien de collectionneurs cherchent une pièce ? Comment identifier si un tirage ne subit pas un effet de bulle dont la cote risque de retomber quelques temps plus tard ? Comment appréhender l’inconnue d’une série récente arrivée à son firmament en termes de vente mais qui sera peut être oubliée quelques années après la publication de l’album la clôturant ? Etre attentif, suivre les différents sites où se matérialisent les ventes, noter les cotations, deviennent vite des éléments indispensables pour un collectionneur. Cependant, trouver la perle rare, absente de sa collection, peut prendre du temps et parfois il faut attendre 10 à 20 ans avant qu’une occasion ne se représente !

Miser sur des best-sellers

Feuilleter ce nouveau BDM permet de découvrir pour chaque série ces mystérieux albums numérotés et signés qui peuvent l’accompagner. De nouveaux collectionneurs vont ainsi découvrir ce côté souvent inconnu de la collection et chercher des repères pour les aider à acquérir ces albums si particuliers. Des séries comme Murena ou le Scorpion pourraient éveiller leur attention et les inciter à de nouvelles acquisitions. Pour commencer dans ce domaine, il est préférable d’acheter des valeurs sures qui seront moins soumises à la volatilité des lois de l’offre et de la demande. Mais avant tout, il faut conserver à l’esprit que ce type d’achat relève souvent du coup de cœur. Alors, comme le Marsupilami, dans le tirage de tête des « voleurs de Marsupilami » chez J’ai Lu, ils essaieront de pénétrer dans l’un de ces albums et de découvrir cet autre monde de l’édition.

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Pour découvrir le BDM :


Trésors de la bande dessinée 2017-2018
Comme tous les deux ans, cette année voit la parution de la nouvelle édition du BDM. Cet argus de la bande dessinée des origines à nos jours, qui s’est imposé comme un incontournable, est en effet le seul à donner des cotes qui servent de référence pour tous les amateurs et professionnels.
Pour cette vingt-et-unième édition, le BDM entame sa « révolution » :
– l’ouvrage passe effectivement intégralement en couleurs.
– le BDM ne recense plus l’intégralité de la bande dessinée de langue française depuis les origines, mais simplement celles qui donnent lieu à une cote supérieure à leur prix d’achat initial, tout comme pour les séries (elles sont bien évidemment complètes dès qu’un seul titre cote), toujours classées dans l’ordre alphabétique.
– création d’un nouveau chapitre, « La BD dans les ventes aux enchères » dans les pays de langue française, qui souligne les principaux résultats [albums et planches originales], donne le « Top 50 » des dessinateurs les plus cotés, la liste complète des Maisons de vente aux enchères, etc.).
– réintégration dans le corpus général d’anciens chapitres qui avaient disparu au cours des années (tels que : « Disques, Jeux et BD »), et des principaux titres et collections des chapitres « Journaux », « Revues modernes », « Revues d’études », « Récits complets » et « Petits formats », qui se distinguent des albums par des couleurs.
À cela s’ajoutent une maquette totalement revue, plus illustrée et attractive, et un prix de vente à 39 €, qui font du BDM un bel objet en même temps qu’un argus incontournable !

Pour lire la suite de l’article : http://editionsdelamateur.fr/pages/bande_dessinee_page/BDM-tresor-bd-2017-2018.html

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expositions :
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